Evidence Based Practice (EBP)

Vous ne vous en rendez peut-être pas toujours compte, mais le psychologue qui vous écoute est constamment en train de prendre des décisions. Il décide de donner priorité à certaines informations, il formule et évalue des hypothèses liées à l’origine de vos difficultés et met en place des stratégies pour répondre au mieux à vos besoins. Ceci peut sembler anodin, mais la question de savoir comment prendre la décision de ces actions est à l’origine de grands débats entre les différentes écoles de pensées en psychothérapie (i.e., psychodynamique/psychanalytique, humaniste, systémique ou cognitive et comportementale). Parce que chacune estime appuyer ses décisions sur les meilleures théories, chacune estime également contribuer au meilleur rétablissement des personnes qui consultent. Pourtant, lorsque l’on examine expérimentalement et isolément l’efficacité de leurs prises en charge, les résultats nous indiquent que toutes contribuent de façon égale au rétablissement. Alors, comment faire ?

L’Evidence-Based Practice (EBP), ou la « pratique fondée sur les preuves » en psychologie propose aux cliniciens de baser leurs décisions non plus sur les apports d’une école en particulier mais sur « l’intégration (1) des meilleures données disponibles issues de la recherche scientifique à (2) l’expertise clinique, dans le contexte (3) des caractéristiques, de la culture et des préférences du patient » (APA, 2007). L’EBP n’est pas juste une affaire de psychologie ;  au contraire, elle fait suite à l’implémentation de l’Evidence-Based Medicine (EBM) dans les années 90 et tend à se généraliser dans de nombreuses disciplines comme la kinésithérapie, les soins infirmiers ou l’enseignement. Dans les paragraphes qui suivent, vous trouverez quelques précisions sur ce que comprennent ces trois grands piliers de l’EBP.

 

Les meilleures données issues de la recherche scientifique

Pourquoi certaines personnes entendent-elles des voix ? Pourquoi est-il parfois si difficile de s'extirper d’une relation pourtant douloureuse ? Comment aider une personne à sortir de crises d’angoisses répétitives ? La nouvelle thérapie « Ciboulette Révolutionnaire » du Dr. MachinChose est-elle aussi rapide et efficace que ce qu’elle promet dans différents ouvrages ? Dans les discours et croyances populaires, ces questions rencontrent nombre de réponses simples. Beaucoup partagent la croyance, par exemple, que le fait d’entendre des voix est le symptôme d’une maladie mentale grave et incurable. Que si Juliette ne quitte pas son mari maltraitant, c’est parce qu’elle n’a pas confiance en elle. Ou qu’il suffit de trois séances de Ciboulette pour sortir n’importe quelle personne de n’importe quelle séquelle traumatique grave.

Répondre à ces questions nécessite en réalité un travail très important d’intégration de nombreuses variables biologiques, psychologiques et sociales. C’est le travail de la recherche scientifique qui, active aux quatre coins du monde, fournit de solides éclairages pour comprendre la complexité du fonctionnement humain. Bien que de sérieuses zones d’ombre subsistent encore, ces éclairages proposent déjà aux psychologues d’importantes guidelines pour comprendre et accompagner les personnes qu’ils rencontrent dans le processus de la psychothérapie. Les psychologues qui s’engagent dans une démarche Evidence-Based s’engagent donc – par le biais de leurs formations ou de leurs recherches personnelles – à appuyer leur raisonnement clinique sur ce que les données scientifiques ont actuellement de meilleur à proposer.

 

L’expertise clinique

La recherche scientifique est une machine extraordinaire de construction de connaissances générales. Il s’agit toutefois d’un processus très lent et particulièrement limité lorsqu’il s’agit de fournir des informations précises à propos de la personne singulière qui se trouve en face du psychologue. Par conséquent, l’expertise clinique, acquise à par le biais de formations, d’entrainements et de la pratique, constitue le second pilier essentiel de la prise de décision du psychologue. Les études en sciences cognitives suggèrent effectivement qu’au fil de l’expérience, le psychologue développe une capacité  à comprendre en profondeur les difficultés qu’il rencontre, à planifier une prise en charge orientée vers des buts précis en collaboration avec la personne qui consulte et à s’adapter à leurs sensibilités, leur rythme et leurs valeurs. Les psychologues engagés dans une démarche EBP mettent en regard les acquis de leur expérience avec ceux de la science pour prendre des décisions qu’ils estiment optimales face à la personne qu’ils rencontrent.

 

Les préférences du patient

Enfin, chaque personne qui se présente en consultation est le fruit d’une histoire singulière. Elle porte en elle des valeurs et représentations du monde spécifiques façonnées par une quantité de variables aussi nombreuses et complexes que son âge, son genre – et son identité de genre, son milieu familial et social, son ethnicité et sa culture, ses croyances religieuses ou son orientation sexuelle. Ces variables peuvent fortement influencer les préférences individuelles pour un traitement particulier.  Parce que le processus de la psychothérapie implique de chaque personne qu’elle puisse être accueillie et entendue telle qu’elle est et comme elle se présente, le troisième pilier fondamental de l’EBP est le patient lui-même. En ce sens, la psychothérapie est une entreprise collaborative dans laquelle patient et clinicien négocient ensemble une manière de travailler qui soit agréable et susceptible de mener à un résultat positif. Le rôle du psychologue dans cette entreprise est de s’assurer de la compréhension du patient quant aux couts et bénéfices des différents choix et pratiques. En conséquence, l’EBP est une démarche qui requiert une attention particulière aux spécificités de chacun dans le processus de prise de décision relatif à la prise en charge.

 

Source :

  1. APA Presidential Task Force on Evidence-Based Practice. (2006). Evidence-based practice in psychology. The American Psychologist61(4), 271-285.

Do Not Track détecté